Hier soir, j’assistais avec attention et émotion à l’audition des élèves de la classe de piano de ma fille à l’Académie de musique. On était bien loin de la virtuosité des concerts professionnels, mais le but n’était pas le même non plus.
Nous avons entendu une quinzaine de jeunes pianistes depuis les plus jeunes (sept ou huit ans) jusqu’aux adultes passionnés de musique (et surtout osant se mesurer à l’épreuve du public). S’il est très touchant d’entendre la spontanéité des plus petits qui ne sont pas touchés par le trac, il est bien plus douloureux d’assister à des prestations complètement tétanisées par la peur. Les plus grands sont sujets à cette peur qu’ils ne parviennent pas à maîtriser. Tous les musiciens vous diront qu le trac fait partie de leur vie mais qu’ils ont appris à l’utiliser plus comme un stimulant qu’un handicap. Bien sur, ces bêtes de scènes montent sur les planches plusieurs fois par semaine ce qui est loin d’être le cas pour les élèves de l’Académie.
Lorsqu’on joue en public, les problèmes techniques et les gestes non encore assimilés complètement ressortent décuplés. Ainsi des morceaux qui, chez soi, à l’abri de la pression du public, ne posent aucun problème se trouvent interrompus par d’incessants trous de mémoire, fausses notes et surtout par une incapacité à continuer sa pièce comme si de rien n’était. Presque tous les participants ont perdu leur sens de la musicalité et ont joué bien en dessous de leurs possibilités. Le sentiment de déception et de découragement s’est alors inévitablement fait sentir provoquant chez certains (ma fille) une crise de larmes.
En tant que père et musicien, j’ai évidemment ressenti fortement ce désarroi. Il m’a ramené vingt cinq ans en arrière, lorsque, lors d’une prestation du même genre, j’avais perdu tous mes moyens, incapable de terminer la pièce que j’avais commencée. Je ne l’oublierai jamais. Ce fut une terrible prise de conscience sur la nature du travail musical et une totale remise en question.
La prestation publique dans le cadre d’une audition est un test qui permet de voir où on en est et il ne faut pas la dramatiser. Le tout est de garder à l’esprit que la musique n’est pas un concours mais un plaisir. Atteindre l’émotion musicale n’est pas toujours simple lorsque ce foutu trac vous envahit…!
A tous les musiciens en herbe, j’aimerais dire que la musique est comme la vie. Elle ne se déroule pas toujours comme on l’a rêvée, mais chaque émotion, agréable ou non, nous enrichit pour l’avenir. Sachons exploiter cette richesse…!
Chloé au piano
Cet épisode de Chloé au piano m’a rappelé un épisode similaire où ma fille Florence, âgée de douze ans, n’a pu terminer une valse de Chopin qu’elle présentait à une fête à l’athénée de Chênée. Ma fille, aujourd’hui vétérinaire de 37 ans, me dit qu’elle en est encore traumatisée ! J’envoie tous mes encouragements à Chloé et je suis sûre qu’elle continuera à bien progresser et à dominer son trac.