J’annonçais, il y a quelques jours, la présence de la R.T.B.F. au concert de l’U3A de ce mercredi 19 mars. Beaucoup d’entre-vous avaient programmés leur magnétoscope pour enregistrer l’émission, d’autres l’ont regardée en direct et…pas de reportage sur notre concert.
J’ai été averti mardi que pour des raisons d’actualité politique brûlante, le camion muni de l’émetteur satellite était réquisitionné pour d’autres usages…plus porteurs. Pourtant, ils étaient bien là, caméra à l’épaule et micro au point. Pas de direct, mais, en échange, un reportage plus général sur l’U3A et nos concerts qui sera diffusé prochainement dans l’émission « Au quotidien » (je vous signalerai la date dès qu’on me la communiquera). Je tiens d’ailleurs à remercier les responsables du magazine pour leur présence et l’intérêt qu’ils portent à nos activités.
En attendant, nous avons, une fois de plus eu la chance d’écouter un magnifique concert. Salle comble (120 personnes) et public enthousiaste pour acclamer nos héros du jour, Sylvain Cremers au hautbois et Geneviève Pirotte au piano ! Au programme, la sonate pour flûte et clavecin BWV 1020 dans sa transcription pour hautbois et piano de Jean-Sébastien Bach. Superbe sonorité, magnifique piano, dialogue de tous les instants entre les interprètes, tous les ingrédients étaient rassemblés pour un moment hors du temps.

La musique de chambre de Bach est une belle démonstration de la polyvalence de son langage. Moins austères que les préludes et fugues et que la musique religieuse, elle laisse transparaître la maîtrise complète du jeu polyphonique renvoyant les thèmes et les motifs d’un instrument à l’autre avec une aisance déconcertante. Mais elle est aussi moderne pour l’époque et annonce quoiqu’on veuille dire les compositions de ses propres fils. C’est dire qu’il y a déjà dans cette musique beaucoup d’éléments de ce que C. P. E. Bach nommera « l’Empfinsamkeit », cette nouvelle sensibilité recherchant l’émotion dans le lyrisme, les ruptures, les nuances de dynamique et les modulations audacieuses. A la fois simplification du discours et approfondissement de l’émotion individuelle, ce style qu’on qualifie aujourd’hui de galant est clairement annoncé par le père Bach. Outre la virtuosité extraordinaire de Sylvain et de Geneviève dans les mouvements extrêmes, le cantabile formidable du second mouvement nous a fait entrevoir l’éternité dans cette sorte de pastorale dont Bach a le secret. Les longues notes tenues du hautbois sur le tapis continu du piano avaient quelque chose de magique.

Autre ambiance avec la Sonatine op. 28 de Malcolm Arnold. Trop peu connu, ce compositeur anglais du XXème siècle (1921-2006), trompettiste de formation, gagne à être écouté. Son répertoire est immense. Il a à son actif plus de 150 musiques de film dont celle du « Pont de la rivière Kwai » qui lui a valu un oscar en 1958. Son art le propulse au rang des premiers compositeurs anglais avec B. Britten. Il est l’ambassadeur de son pays à l’étranger et se lie d’amitié avec D. Chostakovitch. Sa musique est accessible tout en utilisant les ressources du modernisme.

La sonatine pour hautbois fait partie d’un ensemble d’œuvres pour vents composés entre 1948 et 1953. Brèves, elle est conçue pour divertir et cultive les registres les plus séduisants du hautbois. Pas de virtuosité gratuite, mais une subtilité de tous les instants qui laisse cette impression naturelle. Tout semble évident et simple. Un premier mouvement qui déclame des thèmes presque aristocratiques chez le soliste tandis que le piano, comme rêveur, semble absent. Il se réveille et développe des motifs de plus en plus virulents. Il semble vouloir dominer le hautbois et s’insurger contre son narcissisme mélodique. Il revient ensuite à de meilleurs sentiments et replonge dans sa rêverie initiale. Le mouvement lent est tout en lyrisme et émotion, tandis que le final plonge dans des rythmes joyeux et des mélodies séduisantes par leur humour. Les deux instruments, réconciliés, terminent cette superbe miniature dans la joie et la bonne humeur. A réécouter absolument. Je vais de ce pas en commander une interprétation (Nash Ensemble, Hélios CDH 55072).
Une soirée magnifique et, pour moi, toujours ce plaisir incommensurable de commenter les œuvres en présence d’artistes aussi fins !