« On ne vend pas la musique, on la partage ». (Leonard Bernstein)
C’est une citation qui peut vous sembler étrange un samedi proche des fêtes de fin d’année quand vous savez que l’auteur de ce blog travaille à la Fnac… Se pourrait-il même que ce soit profondément hypocrite? Pas du tout et la contradiction avec une partie de mes occupations n’est qu’apparente.
D’abord, personne n’oblige un individu à acheter un cd. Ensuite, si la démarche d’acquérir un support sur lequel est enregistré une oeuvre musicale se présente chez un mélomane et que, de surcroit, il me demande conseil, il est de mon devoir de lui faire partager ma passion pour le compositeur ou l’oeuvre qu’il désire écouter. Ce faisant, je n’ai pas le sentiment de vendre de la musique, mais de chercher à communiquer mon entousiasme ou mes réticences vis à vis de cette demande. Il est important, je crois, de le faire avec la même pédagogie, adaptée au vécu musical et humain de mon interlocuteur. Il est crucial aussi de bien cerner ses envies et de ne pas se laisser transporter par un « lyrisme » tout personnel non adapté à la situation. C’est toute la difficulté de ce métier qui, je le crois profondément, n’est pas uniquement fait d’objectifs financiers, loin de là.
Ce que le public ne sait pas toujours, c’est qu’il y a encore, à la Fnac, un peu d’humanité. Cela a l’air stupide de le formuler ainsi car l’enseigne n’est pas une oeuvre de bienfaisance, tout le monde le sait. Mais j’aime cette politique qui consiste à veiller à ce que les objectifs soient remplis au mieux tout en favorisant l’aspect découverte, partage d’émotions et satisfaction réciproque. On ne peut pas contenter tout le monde et même si cet aspect utopiste de ma personnalité voudrait que ce soit tout de même réalisable, il faut se rendre à l’évidence, on ne fait pas mouche à chaque coup. Mais quelle satisfaction de revoir le client un peu plus tard et de constater qu’une confiance s’est installée. Quelle joie d’avoir parfois réussi à ouvrir modestement des horizons nouveaux. C’est exactement le même plaisir que de voir revenir des auditeurs aux conférences ou exposés. C’est la preuve qu’on peut, tout en gagnant sa vie (c’est forcément indispensable) s’épanouir dans les relations humaines, parfois très brèves, et faire partager ce qui nous semble vraiment important. Le jour où, pour diverses raisons, cela ne me sera plus possible, il ne me restera qu’à changer de métier.
L’homme qui n’a pas de passion est déjà mort. C’est le danger qui guette nos sociétés modernes dans lesquelles on a parfois l’impression qu’une large part de la population semble blasée de tout. Pas question de se laisser prendre par un marasme ambiant… c’est ce que je tentais d’expliquer au téléphone à un enquêteur, décontenancé par mes réponses, chargé par la Fnac d’étudier l’état d’esprit de son personnel (comme si la direction ne pouvait pas le faire elle-même!) dans le cadre de son sondage interne annuel.
C’est bien sur ce que voulait dire le grand Leonard Bernstein, le musicien passionné entre tous, lui qui, par l’intermédiaire de ses maisons de disques a vendu des millions d’albums tout au long de sa carrière et qui reste encore aujourd’hui l’un des meilleurs « produits » de la célèbre marque à l’étiquette jaune (DGG). En tous cas j’aime à le comprendre de la sorte. La musique comme partage des émotions humaines…