Henri Pousseur (1929-2009)

 

 

J’avait initialement prévu de consacrer le « Fait de la semaine » à l’inauguration ce week-end du complexe muséal liégeois « Le grand Curtius » qui couronne plus d’une décennie d’efforts en investissements culturels. Malheureusement, nous avons appris hier le décès du grand compositeur belge (et liégeois) Henri Pousseur. Ce petit mot lui est donc dédié.


Henri Pousseur


 

 

Henri Pousseur était né à Malmédy en 1929. Son attrait pour la composition et les avant-gardes musicales l’avaient amené à fréquenter les plus grands noms de la musique du XXème siècle. Dans la mouvance « post-sérielle », il fut un acteur important de la désormais célèbre école de Darmstadt qui, dans les années 1950, rassemblait le gratin de la musique contemporaine lors des sessions d’été. Il comptait, avec Stockhausen, Maderna, Boulez, Berio et beaucoup d’autres parmi les acteurs essentiels du renouveau de la musique. Sa recherche de nouveaux timbres et de nouvelles formes l’avait amenée à utiliser toutes les techniques et technologies modernes. Ainsi, la musique électronique, le travail sur la voix humaine modifiée par les bandes magnétiques, les formes ouvertes et interactives ont trouvé en lui non seulement un pionnier et un explorateur, mais aussi un maillon essentiel vers les musiques du XXIème siècle.


 

stockhausen en studio de musique électronique

K. Stockhausen composant dans un studio de musique électronique


 

J’ai eu la chance de suivre les cours d’ « écritures musicales » qu’il dispensait à l’Université de Liège quand j’y étudiais. Son enseignement se basait sur l’évolution de la musique et de sa théorie. Il considérait, ce qui, à l’époque, était moins une évidence qu’aujourd’hui, que la ligne du temps n’est pas faite de ruptures avec le passé, mais une transformation progressive de celui-ci. Je me souviens de ses analyses des chants grégoriens et des structures modales de la musique ancienne et de sa manière de les mettre en perspective avec les musiques du monde et la musique contemporaine. Sa théorie de la génération des gammes par le cycle des quintes (par exemple) et de l’harmonie voulait englober une dimension universelle et repartir du son et des ses harmoniques pour expliquer que les différentes cultures partent toutes de la même base, mais exploitent, en fonction de leur « culture » et de leur environnement d’autres aspects d’une même base sonore.

 

Sa pédagogie l’a aussi amené à diriger le Conservatoire Royal de Musique de Liège pendant de nombreuses années. Il a été l’instigateur de réformes en matière d’enseignement du solfège qu’il considérait comme devant être musical avant tout et devant préparer l’élève à des lectures du répertoire. Il a introduit de la sorte les lectures de partitions d’orchestre et favorisé leur compréhension tant musicale que technique.

 

Mais son rôle s’est aussi étendu à la diffusion de la musique contemporaine et à la pratique de celle-ci au sein de l’institution liégeoise, de la Belgique entière et ensuite à travers le monde. Enseignant aussi à Paris et à l’Université du département de New York à Buffalo, il s’est imposé comme un théoricien de la musique contemporaine. Fondateur de « Musiques Nouvelles » qui donnera son nom à l’ensemble orchestral du même nom, il saura mettre du côté de la musique contemporaine des infrastructures adaptées et spécialisées. Avec ses amis compositeurs belges Pierre Bartholomée et Philippe Boesmans, il rayonnera dans le monde en faisant de la Belgique un centre important de la création musicale.

 

Et je cite encore l’article paru sur le site ResMusica.com (http://www.resmusica.com/actu_presse/article.php3?id_article=576) : « L’ensemble de l’œuvre d’Henri Pousseur est déposée à la Fondation Paul Sacher à Bâle. Henri Pousseur a été Docteur Honoris Causa de l’Université
de Metz et de Lille III. Grand Prix du Disque de l’Académie Charles Cros pour l’ensemble de son œuvre en 2004, il a été choisi comme un des « Cent Wallons du XXème siècle » par l’Institut Jules Destrée » (http://www.wallonie-en-ligne.net/1995_Cent_Wallons/Pousseur_Henri.htm
). Il est l’un des rares musiciens belges à figurer dans le dictionnaire Larousse.


 

Cent-Wallons-du-siecle-2


 

Sa collaboration avec l’auteur et poète Michel Butor lui a permis de réaliser ses œuvres les plus novatrices comme l’opéra interactif « Votre Faust » au cours duquel le public joue un rôle dans le déroulement et le choix des épisodes représentés. A la retraite depuis 1994, il n’a jamais cessé de travailler, de composer et d’assimiler de nouvelles techniques. Il en était à combiner les techniques électro-acoustiques et les images numériques dans un souci d’art total contemporain. Il s’éteint au moment où le Festival Ars Musica allait rendre hommage à ses quatre-vingt printemps. Au cours du Festival, l’Orchestre Philharmonique de Liège, dirigé par Pascal Rophé (un vrai spécialiste de cette musique) va interpréter dans quelques jours le dernière révision d’une de ses œuvres fétiches « Rimes ».

 

Je lui souhaite de tout cœur d’atteindre maintenant cette musique des sphères que son œuvre voulait parfois pressentir.

Un avis sur “Henri Pousseur (1929-2009)

  1. Bien que je n’aie pas été en relation personnelle avec lui (et moins encore du cercle de ses intimes), j’ai plusieurs fois été en présence et en conversation avec Henri POUSSEUR à l’occasion des mes études au Conservatoire de Liège en classes de solfège supérieur (contemporain) d’analyse, d’écriture et de direction chorale. Jamais je n’oublierai sa gentillesse à mon égard ni la profonde humanité et la tolérance dont il a toujours fait preuve avec l’ensemble de la communauté estudiantine.
    Il sait, à présent, quel est la dimension de l’être APRES la mort … Qu’il repose en paix !

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