Vinteuil à l’U3A ?

 

Je ne dispose pas de beaucoup de temps cette semaine pour vous écrire des articles très développés. Plusieurs conférences sont au programme dans les prochains jours. Mais cela ne m’empêchera pas de rédiger un petit texte journalier. 

Et en ce lundi, j’ai le grand plaisir de vous annoncer le prochain concert de l’U3A qui se déroulera le mercredi 18 mars à 18H. Nous aurons le plaisir d’accueillir Arielle Lafontaine au violon et Jean-Philippe Koch au piano. Ils interpréteront la fameuse sonate de César Franck, un « must » du répertoire de la musique de chambre. Pour l’occasion, les musiciens ont accepté de se prêter au jeu du concert commenté et c’est avec la plus grande joie que je parlerai de ce chef d’œuvre.


 

Concert 18032009 Lafontaine Koch


 

La sonate pour violon et piano de César Franck (1822-1890) est incontestablement une pièce maîtresse du répertoire romantique. Dédiée à Eugène Ysaye qui en assura la renommée à travers le monde, elle fut composée en 1886 et fait donc partie des œuvres de maturité du compositeur au même titre que le Quintette (1879), la Symphonie en ré mineur (1888), les Trois chorals pour orgue (1890) et le Quatuor à cordes (1890). 

Les procédés cycliques, si cher au compositeur, sont poussés ici au point le plus haut de la maîtrise, donnant à la sonate une homogénéité hors du commun. Sa densité dramatique est unique à cette époque en France et les sœurs jumelles de l’œuvre composées par Edouard Lalo, Camille Saint-Saëns et Gabriel Fauré ont souffert de la force incomparable de Franck. Elles sont, du reste, beaucoup moins connues et surtout, moins jouées.


 

César Franck

César Franck


Son retentissement fut tel que beaucoup de commentateurs ont cru la repéré comme l’inspiratrice principale de la Sonate de Vinteuil si importante dans le monument de Proust : « A la recherche du temps perdu ». Principalement évoquée dans « Un amour de Swann », elle symbolise la relation tumultueuse entre Charles Swann et son aimée Odette de Crécy. Mais l’œuvre ne se limite pas à être le vecteur de l’amour. Elle est aussi un moyen de reprendre conscience du temps passé et oublié, elle représente en fait un idéal esthétique, celui d’une musique métaphysique qui serait à elle seule le vecteur des émotions les plus profondes de l’être humain. 

Moyen particulièrement efficace pour faire prendre conscience à l’homme du temps qui passe, la musique représente une solution de continuité qui permet le refuge tout autant que la réflexion sur la nature de l’être et du monde. Si Vinteuil est un personnage de fiction, Proust a tout de même levé, en 1918, un coin du voile en ce qui concerne son inspiration. La Sonate de Franck semble en être la principale source combinée au prélude de Lohengrin et à l’Enchantement du Vendredi Saint de Parsifal de Wagner, la Ballade op. 19 pour piano et orchestre de Fauré et, peut-être la première sonate pour violon de Saint-Saëns. Nul doute que le lyrisme de Franck, doublé de sa rigueur de contrapuntiste puisse être évoqué dans cet extrait de « Un amour de Swann » :


 
Marcel Proust

Marcel Proust


 

 « Par là, la phrase de Vinteuil avait … épousé notre condition mortelle, pris quelque chose d’humain qui était assez touchant. Son sort était lié à l’avenir, à la réalité de notre âme dont elle était un des ornements les plus particuliers, les mieux différenciés. Peut-être est-ce le néant qui est le vrai et tout notre rêve est-il inexistant, mais alors nous sentons qu’il faudra que ces phrases musicales, ces notions qui existent par rapport à lui, ne soient rien non plus. Nous périrons mais nous avons pour otages ces captives divines qui suivront notre chance. Et la mort avec elles a quelque chose de moins amer, de moins inglorieux, peut-être de moins probable »