Du côté de l’Inde…

Quelques réflexions lues récemment dans un ouvrage malheureusement épuisé dans le commerce me semblent être un bon point de départ pour une juste compréhension des rapports entre musique et langage. Je vous les livre telles qu’elles. Elles sont tirées de l’ouvrage : Alain Daniélou, Origines et pouvoirs de la musique, Pondichéry, éd. Kailash, 1992.

 

Daniélou, Origine et pouvoirs de la musique

 

« La cosmologie indoue pose le problème fondamental de la possibilité de la communication, du principe sur lequel reposent les différentes formes du langage : langage des odeurs, des goûts, du toucher, langage visuel des gestes et des symboles, langage des sons, et ses deux branches qui sont le langage parlé et le langage musical. Les philosophes hindous considèrent que l’Univers, partant d’une manifestation énergétique initiale, se développe selon des principes contenus dans son germe, selon une sorte de code génétique basé sur des données mathématiques.

 

Formé à l’origine de relations purement énergétiques, le monde se développe dans des formes multiples utilisant les mêmes formules de base. Toutes les manifestations de la matière, de la vie, de la perception, de la sensation, sont des branches parallèles provenant d’un arbre commun.


C’est l’identité fondamentale des composantes énergétiques de la matière, de la vie, de la pensée et de la perception, qui permet d’établir des rapports, des analogies entre les uns et les autres et qui fait qu’un langage visuel ou sonore peut nous permettre d’évoquer certains aspects de la pensée, de la sensation, de l’émotion, de l’harmonie des formes. S’il n’y avait aucun rapport, l’un ne pourrait servir de véhicule à l’autre.


Dans la logique de la création, un monde n’existe que s’il est perçu. Il n’y a pas de perception sans objet ni d’objet sans perception. A chaque état de la matière correspond un sens de perception et une forme de conscience chez les êtres vivants. Dans les lieux perpétuellement sans lumière, les poissons n’ont pas d’yeux. Les perceptions auditives, particulièrement dans la musique, sont pour nous extrêmement importantes, puisque ce sont elles que nous pouvons le plus aisément analyser en termes de rapports de fréquence, en termes numériques. Nous pouvons, à travers le phénomène du langage, musical ou articulé, découvrir quelque chose de ces équations sur lesquelles reposent les structures de la matière, de la vie, de la perception, de la pensée. C’est pourquoi la musique a été considérée par les Anciens comme une sorte de cléf de toutes les sciences.


Alain Daniélou

 

Il n’est donc pas idiot de rechercher, comme le faisaient les philosophes du monde antique, des parallèles, des affinités entre les particularités que nous révèlent les intervalles musicaux et les différentes formes de la matière et de la vie, les plantes, les animaux, les structures des atomes ou celles des systèmes planétaires, ainsi que les mécanismes de la perception, les réactions émotives ou les structures de la pensée. Pour les comprendre, il suffit de les mettre en équation, de les déchiffrer.


D’une manière générale, nous pouvons appeler langage l’ensemble des procédés utilisés par les êtres vivants comme moyens d’expression et de communication. Un langage est constitué par un ensemble de symboles qui permettent de représenter, d’évoquer des objets, des personnes, des actions, des émotions, des sentiments, voire des principes abstraits. Toutefois, comme tout système symbolique, un langage ne peut jamais qu’être une approximation, une évocation. Il ne peut qu’indiquer, suggérer une idée, une forme, une personne, une sensation, une émotion, jamais les représenter réellement.


 

Tout moyen de communication est par définition un langage. Les différentes sortes de langages sont classés selon une hiérarchie qui correspond à celle des états de la matière, ou éléments, et aux sens de perception qui leur correspondent ».