Dans le monde de la musique agité par la crise du disque, la sortie d’un cd entièrement nouveau est devenu un événement important tant pour la firme de disque que pour les interprètes qui se lancent dans l’aventure. Je me souviens qu’il y a une vingtaine d’années, quand j’ai commencé à travailler dans le domaine du disque, il y avait, en période de pleine activité (de septembre à décembre, puis de février à mai), quelques cent cinquante nouveautés rien qu’en musique classique toutes les semaines ! Non, je n’exagère pas… Et ce qui constituait le problème majeur des disquaires était de ne pas avoir le temps de tout parcourir, car il n’était tout simplement pas envisageable de tout écouter.
Ce dilemme comportait de multiples conséquences, mais la première et la plus importante était celle qui, inévitablement, lésait l’artiste moins connu ou la production d’un petit label. Tout l’art résidait dans la découverte et la mise en valeur de la perle rare. Il nous fallait donc trouver un équilibre entre les références vendeuses qu’il fallait absolument avoir et celles qui constituaient le coin découverte ou révélation. C’était une époque très riche où tous semblaient vivre dans l’insouciance d’un marché qui ne montrait que des signes de prospérité.
Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et l’enthousiasme des maisons de disques, des disquaires et, dans une certaine mesure, des interprètes est affreusement retombé. Les changements de pratiques commerciales et de consommation (d’abord les graveurs, puis le téléchargement, enfin la dévalorisation des produits) ont rendu les producteurs très frileux… et les magasins traditionnels très fragiles. Si, en haute saison, on dénombre encore une dizaine de nouveautés par semaine, le gros des sorties discographiques réside cependant dans la réédition. C’est l’âge des coffrets bons marchés, qui ressortent, opportunément ou non, pour le plus grand plaisir des mélomanes, les vastes catalogues des majors du disque. …Un coffret de tel chef, de tel pianiste ou de tel chanteur récemment disparu, un box thématique sur une époque, un genre ou un instrument, c’est à coup de dizaines de cd’s que le client assouvi désormais sa soif de musique.
Mais l’objet cd, lui, avec son livret, sa pochette soignée et attirante, son livret commenté et les textes chantés imprimés dans plusieurs traductions, devient une denrée rare. Il est donc bien à propos de souligner et d’encourager ceux qui continuent, malgré la tempête, à produire des nouveautés discographiques en donnant carte blanche à un artiste ou en créant la surprise d’un répertoire plus rare suscitant à nouveau chez le mélomane l’envie de la découverte.
Et c’est justement ce que fait l’Orchestre philharmonique royal de Liège en sortant coup sur coup deux vraies nouveautés qui séduiront les mélomanes les plus pointus et les simples amateurs de belles musiques. On aurait pu croire que l’OPRL, après une saison anniversaire qui avait mis l’accent sur la vaste discographie de l’orchestre au cours des cinquante ans d’existence, allait ralentir sa production de disques. C’était mal connaître la détermination d’une équipe qui œuvre pour que la phalange liégeoise reste au premier plan de l’actualité musicale.
Deux cd’s donc. Le premier, qui va sortir chez AEON dans les prochains jours, propose un récital de cycles de mélodies avec orchestre chantées par la superbe soprano liégeoise Anne-Catherine Gillet (elle chante actuellement les Noces de Figaro de Mozart à l’ORW) accompagnée par l’OPRL dirigé pour la circonstance par l’excellent Paul Daniel, un invité régulier de l’orchestre. Au programme : le rare Knoxville de Samuel Barber, les moins rares Nuits d’été de Hector Berlioz et les géniales Illuminations de Benjamin Britten sur de superbes poèmes d’Arthur Rimbaud. On se réjouit d’avance de découvrir cette nouvelle galette qui devrait en séduire plus d’un.
Le second enregistrement était annoncé depuis bien longtemps déjà puisque un concert gratuit avait été organisé en toute fin de saison dernière pour clôturer les séances d’enregistrement du Concerto pour violon de Tchaïkovski. De Tchaïkovski… ? Encore… ? Oui, mais il est fort probable que la version soit très différente de ce que vous avez l’habitude d’entendre car Laurent Korcia, sous la direction d’un autre grand violoniste, Jean-Jacques Kantorow, connaissent tous les recoins de l’œuvre et parviendront, sans doute, à l’image du dit concert, à renouveler l’interprétation et à révéler de nombreux détails peu entendus de ce concerto si célèbre. L’enregistrement sera complété par le génial Concerto pour violon de Korngold. Une nouveauté NAÏVE qui est d’ores et déjà annoncée avec un diapason d’or pour le mois de novembre !
Jean-Pierre Rousseau a donc convoqué la presse pour présenter, en compagnie d’Anne-Catherine Gillet, ces deux parutions ce vendredi 28 octobre à 12H30 dans le Forum de la Fnac de Liège. Et c’est vrai que la Fnac est partenaire de l’Orchestre depuis de nombreuses années en assurant non seulement une visibilité constante des activités dans le rayon classique et en étant présente lors des concerts pour assurer les ventes de disques lors des nombreuses séances de dédicaces des artistes de passage à Liège. Il va sans dire que je me félicite de cette initiative d’organiser chez nous cette rencontre avec la presse et avec le public. Oui, vous serez tous les bienvenus. Car, plus encore en ces temps troublés, il me paraît primordial pour la Fnac de garder une visibilité extérieure et une implication dans la vie culturelle de sa ville.
Alors, venez nombreux, car tout le monde est invité. Il vous suffit de nous rejoindre vendredi à 12H30…