Brahms à Nivelles

Hier soir, j’étais à Nivelles pour commenter le concert de Jean-Luc Votano et Stéphanie Salmin consacré à la première sonate pour clarinette de Brahms. La salle des mariages de l’Hotel de Ville était comble. Les habitués s’étaient mobilisés pour l’événement, mais on a pu voir aussi des élèves de l’Académie de musique et des curieux qui venaient pour la première fois.

Il faut dire que la réputation de Jean-Luc n’est plus à faire. Reçu à musiq’3 le matin même, il avait pu faire une publicité bien méritée pour les concerts et conférences de la ville. Il faut également remercier Maurice Jacot, organisateur infatigable et passionné qui avait su diffuser les informations dans tout le monde musical de Nivelles et des environs ainsi que Evelyne Vanpée, échevine de la culture, qui montre un sincère amour de la musique (ce n’est pas si fréquent!).

C’est toujours un vrai plaisir pour moi de travailler avec les musiciens. Je tiens d’ailleurs à remercier de tout coeur ces talentueux artistes pour la formidable performance. Le public ne s’y est pas trompé! La présence d’artistes en chair et en os est irremplaçable, surtout lorsqu’ils se prêtent avec tant de sympathie et d’application à mes demandes inhabituelles dans le cadre d’un concert. C’est pourtant très utile pour tout le monde de décortiquer une oeuvre avant de l’entendre. Le public y trouve un guide pour sa prochaine audition et les musiciens sont amenés à réfléchir sur le contenu et la forme de leur propos musical.

brahms
La sonate pour clarinette et piano (op.120 n°1) est idéale pour comprendre la poétique toute particulière de Brahms. Souvent redouté pour sa lourdeur et son sérieux, le compositeur allemand fait encore peur au public francophone. Cette phobie est le résultat du discrédit lancé sur lui il y a bien longtemps par des auditeurs et musiciens français peu réceptifs à sa musique. Je ne referai pas ici la conférence d’hier, ce n’est pas le lieu. Cependant, écoutez la variété des timbres de la clarinette dans le premier mouvement. Essayez de ressentir la fusion rythmique entre le discours des deux musiciens dans le scherzo/Menuet, remarquez l’ironie du début du final, l’apparition d’un motif du destin décliné dans toutes les intonations possibles. Fredonnez ce refrain incroyablement simple et pourtant si efficace qui constitue le thème principal de ce rondo final. Enfin, et peut-être est-ce le plus sublime, laissez-vous emporter doucement par la berceuse du deuxième mouvement. Comme chez Schumann, l’enfant s’endort, il ne reste alors plus au poète qu’à parler. Miroirs de l’âme que ces longues notes de la clarinette qui descedent en nous comme une véritable introspection!

Brahms n’utilisait presque jamais d’argument littéraire ou philosophique pour ses oeuvres (à l’inverse de Liszt et Wagner par exemple). A plus forte raison dans ses ultimes partitions. La découverte de la clarinette jette sur ses dernières années un éclairage essentiel qui confirme la profonde émotion de l’homme et de ses valeurs essentielles (vie, mort, amour, mélancolie, …). Oui, une fois pour toute, je trouve parfaitement adapté à cette musique le qualificatif "automnal"

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