Vendredi soir, RTC Liège, notre télévision locale rediffusait le concert du Choeur symphonique de Liège et de l’ensemble Convivium dirigé par Pierre Thimus à l’église Saint Jacques de Liège. Au programme, le rare requiem de R. Schumann et la messe en ut de Beethoven.
A l’écoute de la "petite" messe de Beethoven et en la comparant avec la gigantesque Missa solemnis de 1823,on mesure le chemin parcouru par le compositeur. Si on sent bien que les deux oeuvres sont animées par une passion toute romantique motivée par une introspection individuelle, mais que le propos n’est pas le même.
La première, datée de 1807, est le résultat d’une commande du prince Nicolas II Esterhazy, le patron de J. Haydn. Ce dernier commandait une nouvelle messe chaque année à un compositeur en vue (Haydn, Hummel,…) pour la fête de sa femme. On imagine les difficultés de l’artiste face à cette commande: "Ce n’est pas sans un sentiment de crainte que je remettrai cette messe entre vos mains, car Votre Altesse al’habitude de faire donner les chefs-d’oeuvre inimitables du grand Haydn".
Conçue pour le service divin, cette messe a la même structure que celles de son aîné. Pourtant, les expériences orchestrales et vocales de Beethoven définissent un style bien particulier, usant des registres aigüs des ténors et sopranos, proposant une écriture ployphonique dense et un orchestre presque symphonique à certains moments. A aucun moment, cependant, on ne peut mettre en évidence les questions existentielles propres à l’homme subissant de plein fouet les premières conséquences de la surdité.
Il en va d’une toute autre manière avec la grande Missa Solemnis. Précédant d’un an la neuvième symphonie, elle est d’abord trop longue pour s’intégrer dans un office religieux. Un peu comme la grande messe en si mineur de JS Bach, elle offre plus une synthèse tardive de l’art du compositeur et la quintessence de sa pensée.
Ce qui surprend, avec cette dernière messe, c’est le détournement de la traditionnelle rhétorique religieuse. En effet, on ne retrouve plus les instants obligés de joie et de conviction dans le Gloria et le Credo.
On est subitement pris par le sentiment du doute spirituel chez le compositeur. De fait, en creusant encore, on constate un Sanctus terriblement pessimiste, un Benedictus plus concerto pour violon que louange religieuse et un Dona nobis Pacem complétement épuisé. Par contre, tous les épisodes mettant en scène la vision du Christ sont traité avec une émotion toute profane. Le coeur même de la messe se trouve dans un interlude orchestral (?) nommé "préambule" qui annonce la métamorphose initiatique de Parsifal! Bref tout nous laisse penser que Beethoven remet en cause la nature de sa Foi. La messe dans son ensemble est relativement pessimiste, montrant l’écrasement que l’homme subit face à la divinité. Il cherche une porte de sortie et ce sera…la Neuvième!
Cette ultime partition symphonique est, je crois, le second volet du dyptique entamé avec la Missa. Le propos est moins religieux, même si l’Hymne à la Joie évoque encore le Père. Il est cependant dématérialisé, plus une philosophie qu’une religion. Résultat: l’élaboration utopique de la Fraternité entre les Hommes si typique de la fin de cette symphonie.
Les deux oeuvres sont les témoins privilégiés d’un changement d’approche de divin au début du XIXème siècle. L’homme romantique, en se penchant sur lui-même, s’éloigne progressivement du dieu qui semble étranger à la vie du monde. Toute une leçon d’humanité…