"Ah! Clara, écrire pour le chant, quelle félicité. J’en ai été privé si longtemps!…C’est une tout autre musique que celle qui ne passe pas d’abord au travers des doigts. C’est tellement plus direct et mélodieux…" (R. Schumann, 1840).
Après plusieurs années de silence dans le domaine du Lied, Schumann nous livre en 1840 une bonne part de ses chefs d’oeuvre en la matière. Le cycle Dichterliebe op. 48 est sans doute l’un des plus réussis et équilibrés du compositeur. Les seize mélodies qui le composent sont tirées de poèmes de H. Heine regroupés en soixante cinq textes sous le nom de "Lyrisches Intermezzo" (1822). Il s’agit de la narration des amours déçues de sa cousine Amalie. Robert Schumann fait un sévère tri et en change l’ordre initial pour aboutir au sens général qu’il désire.
L’oeuvre est extrêmement ambigüe car elle constitue un "cadeau de mariage" de Robert pour Clara. De même que les Frauenliebe und -leben (Amour et Vie d’une femme), cette réalisation nous surprend. Parler d’amour trahi, de mort et d’angoisses dans le cadre d’un moment de joie démontre le caractère pathologique du compositeur.
Le cycle est admirablement construit en quatre phases psychologiques de quatre mélodies. La première retrace la naissance de l’amour (Au merveilleux mois de mai…. Le deuxième segment montre l’éloignement de l’aimée et achève la première partie par une allusion à la folie "…Seule connait ma douleur celle qui m’a arraché le coeur" et un magnifique postlude du piano, miroir de l’oeuvre entière. Suivent le désespoir et le deuil qui constituent la seconde partie très tragique. Elle évoque métaphoriquement un grand cercueil pour ensevelir tous les amours et toutes les peines.
Toutes les caractéristiques de Schumann sont présentes. Le sens aigü de la mélodie, les harmonies audacieuses, les doublures pianistiques et le lyrisme d’une rare intensité mettent en évidence les allusions à Clara, l’attirance pour le Vater Rhein (dans lequel il se précipitera du pont de Düsseldorf), le morbide, l’homme et son double (Eusebius et Florestan),…au profit de la plus grande émotion.
Nous aurons la chance d’entendre ce cycle au prochain concert de l’U3A le 20 mars à 18H. Il sera interprété par le baryton Walter Meessen et la pianiste Marie-Claire Renier. Les concerts de l’U3A sont ouverts à tous (voir la présentation de ces concerts en lisant l’article du 3 février sur ce même blog). Venez nombreux…l’émotion sera au rendez-vous!