Le grand chef d’orchestre Gunther Herbig est à Liège pour deux semaines. Il donnera deux concerts très différents l’un de l’autre. Le premier, entièrement consacré à Joseph Haydn, sera, pour moi l’occasion inespérée de travailler une nouvelle fois avec lui dans le cadre de la série des concerts commenté « Le Dessous des Quartes ».
C’est à travers de grands orchestres américains que la réputation de Günther Herbig a acquis une dimension mondiale : premier chef invité du Dallas Symphony à partir de 1979, chef permanent du Detroit Symphony Orchestra pendant six ans puis du Toronto Symphony Orchestra jusqu’en 1994.Formé à Weimar, il a étudié avec Hermann Scherchen avant d’être un des rares jeunes chefs à travailler intensivement avec Herbert von Karajan. Etabli aux Etats-Unis où il réside toujours, il a été à la tête de la Philharmonie de Dresde et de l’Orchestre Symphonique de Berlin (est).Aux Etats-Unis, il a dirigé les meilleurs ensembles : Orchestres de New York, de Chicago, de Boston, de Philadelphie, de Cleveland, … bref toutes les grandes formations. Entre 1990 et 1997, il est invité pour un master class de direction d’orchestre à l’Université de Yale.
Sa carrière européenne et mondiale depuis son départ de l’ex Allemagne de l’Est n’est pas moins impressionnante : premier chef invité du BBC Philharmonic à Manchester, nombreux engagements par les grands orchestres londoniens et européens, ainsi qu’au Japon, en Amérique du Sud, en Australie et bien sur à Liège. Il a été nommé depuis peu à la tête de l’Orchestre Symphonique de la Radio à Saarbrücken.
Sa discographie importante compte plus d’une centaines d’oeuvres.
C’est une vraie chance pour moi de participer à cette série de concerts de l’OPL. Un musicologue n’a pas toujours la possibilité de participer d’aussi près au travail d’un orchestre. En effet, j’assiste toujours à toutes les répétitions qui concernent l’œuvre à présenter. Cela m’a donné l’opportunité de rencontrer des chefs aussi prestigieux que Armin Jordan (hélas décédé l’an dernier), Petri Sakari, Vernon Handley, Alexandre Dmitriev, j’en passe, ainsi que nos liégeois d’adoption Louis Langrée et Pascal Rophé. Ces rencontres ont toutes été très enrichissantes pour moi. J’ai pu les observer dans leur travail, les interroger sur leur métier, sur leurs interprétations et leur vision de la musique. Souvent, leurs réponses ont contribué à faire évoluer ma propre vision de la musique. Je les en remercie de tout cœur, moi qui aurait voulu devenir chef d’orchestre… !
C’est dans ce cadre donc que, dès lundi matin à la première heure, j’ai pu rencontrer le maestro et lui soumettre les exemples musicaux que j’ai choisi pour la séance de mercredi. J’avais gardé un souvenir fantastique de notre rencontre précédente. Elle était alors axée sur la première symphonie de Gustav Mahler. Je me souviens que pour illustrer le canon sur Frère Jacques qui figure dans le mouvement lent, il avait fait chanter le public après l’avoir divisé en quatre parties…moment inoubliable !
Il faut dire que l’homme est charmant. Très cultivé, ses paroles sont toujours mesurées et efficaces. On sent d’emblée l’envergure du personnage lorsqu’il se présente devant l’orchestre. Ce dernier le respecte sincèrement. Son travail est rigoureux et précis. Il sait exactement ce qu’il désire et il l’obtient presque immédiatement. Il n’a pas besoin d’élever la voix et d’ailleurs, il ne parle pas beaucoup. Sa gestique est suffisamment significative. Tout le monde le comprend et …adhère. Sa vision de Haydn, dont il a enregistré les symphonies londoniennes avec l’Orchestre de Dresde (Berlin Classics), est d’une rare limpidité. Tout chante avec aisance. Toutes les surprises rythmiques et harmoniques …ah non ! je ne vous en dis pas plus maintenant. Vous devez venir l’écouter … un grand moment de plaisir en prespective!