Peu de mélomanes connaissent Domenico Cimarosa (1749-1801). Compositeur napolitain et maître de chapelle à Vienne à l’époque de Mozart et Haydn,
Il fut chargé par l’empereur Léopold II de mettre en musique le livret comique de Giovanni Bertati "Il Matrimonio segreto". L’oeuvre fut créée l’année qui suivit la mort de Mozart au Burgtheater avec le plus grand succès. Sur l’ordre de Léopold, on bissa l’opéra entier!
On a voulu comparer le melodramma giocoso de Cimarosa avec les Noces de Figaro. Le propos n’est pas le même et la qualité de la musique non plus. Le livret de Da Ponte inspiré de Beaumarchais est beaucoup plus profond, plus fin et sans doute mieux mené. La musique n’accompagne pas le livret, elle le commente, le met en relief, bref, elle le transcende. Si le génie de Mozart cherche peu à se faire l’écho des théories sociales de la prochaine Révolution française, le sens de la scène est mené avec la plus grande subtilité et la musique plante la psychologie des personnages de manière individuelle (signe du romantisme naissant).
La musique du napolitain est toujours plaisante et agréable. Cependant, la caricature des archétypes de l’injustice paternelle, sociale et amoureuse est poussée trop loin pour être crédible. Les nombreux rebondissements et les chassés croisés prévisibles donnent à l’oeuvre une longueur soporifique lors de l’écoute d’un enregistrement.
Mais l’opéra n’est pas qu’auditif. Il est aussi visuel et théâtral. Tout dépend alors de la mise en scène, de la qualité des chanteurs et de leur inventivité d’acteur. Les éclairages et les décors peuvent aussi mettre en évidence tout ce que la musique ne dit pas et qu’il faut pourtant capter. Zones d’ombre et de lumière qui favorisent les non-dits et le suspense. L’orchestre doit être pétillant du début à la fin. Les moindres pertes de régime sont synonymes de fiasco. La programmation de telles oeuvres est un pari risqué, vous l’aurez compris.
L’Opéra Royal de Wallonie se lance dans l’aventure du 1er au 9 février. L’orchestre sera placé sous la baguette du chef italien Giovanni Antonini très connu dans le monde de la musique baroque (c’est la mode de prendre des chefs baroques pour les oeuvres pré-romantiques!). S’il applique les mêmes principes que ceux qu’il déploie avec son orchestre "Il Giardino armonico", nous entendrons une musique vive et virtuose pleine de joie de vivre. En un mot: plus giocosa que melodramma.
La distribution essentiellement italienne et surtout la mise en scène de notre directeur Stefano Mazzonis di Pralafera devrait donner un spectacle de grande qualité. Espérons que l’ambiance tendue des dernières semaines à l’ORW ne vienne pas ternir cette fête théâtrale.