Cuivre doux

 

Et pour entamer le parcours des instruments de la famille des cuivres, à tout seigneur tout honneur, voici le cor d’harmonie, aussi nommé le cor français.

 

Même s’il a un air de parenté avec le cor de chasse, le son de cet instrument est très différent. Il est tantôt majestueux et triomphant, tantôt doux et légèrement mélancolique. Le cor d’harmonie est présent dans les orchestres symphoniques, dans de nombreux ensembles de musique de chambre et dans les orchestres d’harmonie.

 

Les premiers cors étaient réalisés à partir de tuyaux coniques naturels, comme les cornes d’animaux ou certains coquillages. Ceux qui étaient en ivoire s’appelaient « olifant » ou trompes de chevalier. Mais la corne d’animal fut vite remplacée par des tubes conçus par l’homme. On sait que les Indiens fabriquaient des trompes droites en bois. On trouve également beaucoup d’instruments apparentés au cor dans les régions montagneuses de l’Europe et de l’Asie.


 

Cor Olifant
Olifant


 

Bientôt, le métal deviendra le matériau idéal pour fabriquer les cors. C’est ainsi que sous l’effet de la chaleur, il sera possible de lui donner sa forme recourbée. En 1636, le Père Mersenne (sans doute l’un des premiers organologues de l’histoire) décrit un cor enroulé en sept spirales qui permet de jouer autant de notes que la trompette, soit seize notes. Il faut savoir qu’un tuyau non percé de trous (les premiers cors étaient de cette sorte) ne permet de jouer que le son fondamental de la longueur du tuyau ainsi que les quelques premiers sons harmoniques qui en dépendent.

 

Le cor a donc d’abord été conçu pour émettre des signaux d’avertissement codés, pour communiquer des messages et pour accomplir des tâches magiques ou rituelles. Dans la célèbre Chanson de Roland, le héros appelle au secours en utilisant un cor. Mais l’instrument a également été utilisé pour la chasse dans sa célèbre forme « cor de chasse ». Les nobles s’en servaient pendant les chasses pour communiquer leur position à leurs compagnons, pour indiquer l’endroit de l’animal poursuivi. Ces codes musicaux typiques (on identifie immédiatement une mélodie de cor de chasses) sont adaptés à chaque situation ou une action précise. Il s’agit donc bien d’un langage codé. On estime qu’il existe plus de mille sonneries de chasse différentes. Par exemple, une sonnerie particulière signifiait le type d’animal (cerf, sanglier, …), la poursuite, l’arrivée devant une rivière, le fait de descendre de cheval, …


 

Cor de chasse
 Cor de chasse


 

Il a ensuite été utilisé au Moyen Âge pour annoncer le moment du repas, il scande aussi les marches militaires. Au cours de son histoire, le cor a subi, comme tous les instruments de musique, de nombreuses transformations. On l’a tour à tour trouvé trop petit (XVIème siècle) trop grand (XVIIème siècle), au point qu’il ne trouvera sa forme définitive que sous le règne de Louis XV. Dès la guerre de 1741, le cor est incorporé à l’infanterie française.

 

Mais l’instrument naturel (un tuyau, le son fondamental et ses harmoniques) se voyait limité dans une utilisation orchestrale par le peu de notes qu’il pouvait jouer. Lorsque la musique quittait la tonalité du son fondamental du cor, il fallait changer d’instrument. Les facteurs français inventèrent un système astucieux qui permettait d’ajouter ou de retirer des segments de tube. Cela permettait de changer la longueur du tuyau sans changer d’instrument et donc d’augmenter le nombre de notes jouables. Il fallait enlever ou ajouter ces corps de rechange (c’est leur nom) et les compositeurs, devaient, au sein de leur partition, ménager un temps mort dans l’utilisation des cors pour leur laisser le temps de changer le corps.

 

Ce n’est qu’au XIXème siècle que le cor chromatique à trois pistons fut inventé. Les pistons permettent de dévier la trajectoire des l’air dans un réseau de tuyaux. En fonction de la longueur du parcours de l’air, le son es
t différent. Avec les différentes combinaisons des pistons, toutes les notes chromatiques peuvent être réalisées sans devoir démonter l’instrument. Cette innovation géniale a permis au cor d’entrer dans l’orchestre moderne comme l’un des piliers essentiels de la formation. L’évolution la plus récente est le désormais très courant cor en fa (pour les cors simples), en fa et si bémol (pour les cors doubles) et en fa, si bémol et fa (pour des cors triples beaucoup plus rares).


 

cor 1
 


 

L’embouchure du cor est de petite taille et de forme intérieure conique, différente de celles de la trompette et du trombone qui sont hémisphériques et plus larges. Cette forme conique se retrouve tout le long du tube jusqu’au niveau du pavillon. On parle de perce conique pour le qualifier, c’est la caractéristique des cuivres doux (cornet à pistons, saxhorns, …). C’est ce type de perce qui permet le son doux et l’oppose donc aux cuivres clairs qui produisent un son plus brillant (comme la trompette, par exemple).

 

Le corniste produit les notes de la gamme par vibration des lèvres sur l’embouchure. Sa main gauche active trois (quatre ou cinq) palettes ou pistons pour changer la hauteur du son. La main droite est placée dans le pavillon pour soutenir l’instrument. Elle permet également d’arrondir le son, d’en modifier la hauteur ou d’effectuer les fameux sons bouchés aux sonorités si particulières. L’instrumentiste peut être amené à utiliser une sourdine pour obtenir un timbre plus sourd mais pas, contrairement aux idées reçues, pour atténuer le son.


 Denis Brain explique le cor et joue la sonate de Beethoven


 

 

Deux manières de jouer du cor se sont opposées au cours du XXème siècle : la manière française, facilement reconnaissable par son vibrato permanent et la manière anglo-saxonne, sans vibrato. Aujourd’hui, c’est la manière anglo-saxonne qui semble s’imposer pour la majorité des cornistes. De grands noms de virtuoses utilisent cependant encore le vibrato, comme Hermann Baumann ou le liégeois Francis Orval.

 

La famille des cors rassemble donc le cor de chasse en mi bémol pour les chasses, les fanfares de régiment, la trompe de chasse en ré destiné aux sonneries de vénerie, le cor naturel, qui est un cor d’harmonie sans piston et sans palettes, le cor d’orchestre qui est celui décrit ci-dessus, le cor des Alpes qui est en bois, les tubas wagnériens qui sont joués par les cornistes, le cor viennois, utilisé traditionnellement à l’Orchestre philharmonique de Vienne et le mellophone, cor qui a la forme d’une trompette parfois utilisé dans l’orchestre de jazz. Ce dernier est utilisé avec le pavillon vers l’avant.

 

Selon le livre des records (édition 2007), le cor est, avec le hautbois, l’instrument le plus difficile à jouer.