Cuivre clair

 

Poursuivons notre périple à travers les instruments de l’orchestre. Aujourd’hui, c’est la trompette dont il sera question. Instrument à vent de la famille des cuivres, elle se distingue du cor par sa sonorité étincelante et lumineuse. On la classe donc dans la catégorie des cuivres clairs. 

Les premières trompettes ont été inventées dans l’antiquité. Il n’est pas facile, dans des époques très reculées, de distinguer les instruments à vent avec précision, mais il ne fait aucun doute que trois trompettes ont été retrouvées dans le tombeau de Toutankhamon et qu’en Grèce, la trompette portait le nom de salpinx. L’art de la trompette était d’ailleurs une discipline olympique regroupée sous trois épreuves distinctes : le son le plus fort, le son portant le plus loin et la note la plus aigue. La Bible fait également mention de l’instrument à propos du temple de Salomon dans lequel jouaient pas moins de 120 trompettes!


 

 Trompettes de Toutenkhamon

Trompettes de Toutenkhamon


Comme pour de nombreux instruments à vent, la trompette a souffert longtemps de son impossibilité à jouer des gammes chromatiques complètes. Les tuyaux naturels (sans trous, clés ou pistons), ne peuvent, en effet, atteindre que le son fondamental défini par la longueur du tuyau et les harmoniques proches de celui-ci. Ne comportant donc que trois parties, l’embouchure, le tuyau sans trous et le pavillon, elle est encore utilisée pour la musique baroque sur instruments anciens et possède une sonorité plus brillante que la trompette actuelle  Certains chefs d’orchestre l’exigent encore dans Haydn et Mozart pour ses qualités sonores. Elles sont très difficiles à jouer mais ajoutent (aux Feux d’artifice Royaux de Haendel, par exemple, une couleur toute particulière).


 

Trompette naturelle et corps de rechange
 Trompettes naturelles


 

De nombreux systèmes ont donc tenté, au cours de l’histoire, de dépasser ces limitations. De plus, avec la transformation de la musique, qui devient tonale au XVIIème siècle et qui module de plus en plus, la trompette doit trouver des techniques permettant de se fondre aux tutti orchestraux ou aux œuvres de virtuosité si elle ne veut pas disparaître des effectifs instrumentaux. C’est donc un travail contre la montre qui occupa les facteurs et musiciens pendant une bonne part du XVIIIème siècle pour rendre la trompette chromatique. 

On pensa d’abord au bouchage de l’instrument, une technique qui faisait ses preuves pour les cors, mais la longueur énorme des tuyaux et les pavillons moins larges ne permettaient pas l’usage confortable de la technique. On eut alors l’idée d’enrouler le tuyau sur lui-même, permettant de la sorte, d’introduire trois doigts dans le pavillon et ainsi de faire baisser la note fondamentale d’un demi ton, voir d’un ton. Mais le timbre de l’instrument s’en voyait profondément altéré et on abandonna purement et simplement cette technique. 

On utilisa ensuite des corps de rechange permettant de transformer la longueur du tuyau en allongeant ou en raccourcissant l’instrument à l’aide de tuyaux amovibles. Mais le démontage et remontage prenait du temps et la justesse des trompettes en était profondément altérée. 

Vinrent ensuite les trompettes à clés. Comme sur les cors où l’expérience était assez concluante, on se dit que la trompette pouvait, elle aussi, tirer avantage de cette innovation décisive pour de nombreux instruments. La première trompette à clés fut construite en 1777 mais ne connut aucun succès car le timbre clair caractéristique de la trompette disparaissait presque entièrement et ressemblait assez à celui du hautbois. Pourtant, en 1793, un certain Nessman, un amateur acharné, parvint à mettre au point une trompette à clés qui, en plus de garder le timbre caractéristique de la trompette, parvenait à monter une gamme chromatique. C’est pour cet instrument et son plus grand virtuose A. Wendinger que Joseph Haydn composa son fameux concerto pour trompette et orchestre. L’instrument avait trois clés, parfois une quatrième pour les notes les plus graves (comme dans le concerto de Hummel, par exemple).


 

 

Trompette moderne à clés


 

Un
e troisième technique, surtout utilisée en Angleterre fut celle de la trompette à coulisse. La coulisse est en forme de « U », comme sur un trombone, mais plus courte. La sonorité noble et naturelle plaisait beaucoup, sa raideur mécanique lui empêchait une véritable virtuosité. Elle était donc réservée, la plupart du temps, aux formations orchestrales. Elle était construite en fa, mais on pouvait l’accorder dans d’autres tons par des coulisses de différentes longueurs.
 

Mais la plus grande invention fut le piston qui équipe, aujourd’hui encore, toutes les trompettes modernes. Inventé vers 1815, il permettait le chromatisme dans tous les registres sans les inconvénients de timbre ou de manipulation des instruments précédents.


 

Fonctionnement du piston


Trompette, fonctionnement du piston


 

Permettant d’ouvrir des « chemins » différents pour l’air soufflé à travers les tuyaux, la conjonction de plusieurs pistons permettait le jeu de toutes les notes. Cela permit également plus de virtuosité et l’ajout de la technique digitale. Le trompettiste agissait désormais avec ses lèvres, son souffle, sa langue et ses doigts. Elle s’imposa rapidement dans la musique militaire mais se heurta à des opposants (surtout du conservatisme) dans la musique symphonique.


 

trompette Démontée

 


La trompette actuelle, en si bémol à pistons, est la plus utilisée dans les orchestres. Mais on y trouve également la trompette en ut. Pour le répertoire baroque, beaucoup de virtuoses (sur instruments modernes, comme Maurice André) utilisent la trompette piccolo car le registre aigu y est souvent utilisé (œuvres composées pour l’ancien clarino). L’instrument n’est en fait pas plus aigu que la trompette normale, mais son registre aigu est plus stable. Elle est souvent en si bémol ou en ré.


 

Trompette
 


 

Il existe encore bien d’autres trompettes. La trompette de poche a la même longueur de tuyau (malgré son nom) que la trompette habituelle. Elle est pratiquée par les débutants car, plus enroulée sur elle-même, elle est aussi plus facile à jouer et se rapproche du cornet. Et puis, il y a les trompettes de toutes les tonalités, en sol, en ré, en mi bémol, en fa et même une trompette basse. L’instrument peut être muni d’une sourdine qui modifie la note et le volume sonore de l’instrument.


 Deuxième et troisième mouvements du concerto pour trompette de Haydn


Les trompettes font désormais partie intégrante de la grande harmonie des orchestres symphoniques et les compositeurs ont su en exploiter toutes les richesses. Tant pour timbrer les sonorités orchestrales que pour déployer de superbes mélodies, la trompette peut exprimer la joie, la grandeur, le militaire, mais peut aussi émouvoir par une suavité inattendue et une délicatesse hors pair.