Orthographe

 

En cette période de rentrée scolaire, les enseignants, les élèves et les parents se retrouvent confrontés à l’un des fléaux de notre société, le manque d’orthographe. Cet aspect de la langue me semble toujours si important et utile dans notre formation culturelle que ces quelques réflexions, déjà publiées il y a près d’un an, s’imposent encore. A l’heure où les économies dans l’enseignement sont au programme des politiciens, il n’est pas inutile de rappeler que les diverses disciplines enseignées tant bien que mal dans nos pauvres écoles ne peuvent souffrir aucune restriction. Il en va du devenir de nos sociétés et de notre culture. Ne dit-on pas qu’un peuple sans culture est un peuple mort? 

 

Loin de moi la prétention de posséder cette discipline à fond… Les lecteurs de ce Blog auront sans doute, et malgré mes relectures, repéré, ici ou là, quelques erreurs et fautes flagrantes, résultats d’une lacune, d’une distraction ou d’un raté au clavier de ma machine infernale. Il est cependant inacceptable, aujourd’hui comme hier, de présenter à un employeur, un parent, un ami ou un lecteur quelconque, une lettre truffée de ces horribles fautes qui témoignent incontestablement d’un laisser-aller et d’un manque de conscience de la langue et de la pensée de leur auteur.

 

« La dictée est le seul moyen de vérifier qu’un enfant est capable de comprendre et de transcrire la pensée d’un autre en mots écrits » A. Bentolila.

 

Mais si l’orthographe semble aussi déplorable aujourd’hui, qu’en était-il dans le passé ? Pour nous aider à en savoir plus, voici un petit texte sur l’histoire de la fameuse dictée de Mérimée tiré de l’amusant livre d’histoire de Daniel Appriou : « Petites histoires de l’histoire », édition Acropole, Paris, 2008.

 

 

« Remise à la mode par Bernard Pivot, la dictée était parfois utilisée à la cour de Napoléon III pour distraire les courtisans qui, semble-t-il, s’ennuyaient sous les lambris des salons. Un auteur du temps écrivit même dans un courrier : « On a joué à la dictée ».

 

C’est à Prosper Mérimée (1803-1870) qu’incomba ce jour-là la tâche de rédiger un texte susceptible, par sa difficulté, de départager les invités de l’empereur. En réalité, il y eut trois dictées de longueurs différentes, qui toutes reprennent des mots rares et des constructions alambiquées dont le sens général est aussi obscur qu’abscons. 

 

Lorsque les résultats furent proclamés, il apparut que Napoléon III avait fait septante cinq fautes, Alexandre Dumas vingt-quatre, Madame Metternich quarante-deux, Corvisart (descendant du médecin de Napoléon Ier) huit, et le prince de Metternich, ambassadeur d’Autriche à Paris, seulement six. Cela paraissait tellement surprenant pour un étranger de si bien posséder l’orthographe française que Dumas lui fit ce compliment : « Quand allez-vous vous présenter à l’Académie pour nous apprendre l’orthographe ? »

 

Peut-être l’impératrice Eugénie fut-elle vexée de son grand nombre de fautes (soixante-deux), mais il faut se rappeler qu’elle s’appelait Eugenia Maria de Montijo de Guzmán et qu’elle était de père espagnol et de m&egr
ave;re irlandaise
 ».

 

Alors, si le courage ne vous manque pas, voici l’une des trois versions de la fameuse dictée. Vous pourrez ainsi vous mesurer aux plus grands français de la fin du XIXème siècle et, qui sait, faire mieux qu’Alexandre Dumas… Je ne vous livrerai pas mon résultat… !

 

« Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuissots de chevreuil prodigués par l’amphitryon, fut un vrai guêpier.

Quelles que soient et quelqu’exiguës qu’aient pu paraître, à côté de la somme due, les arrhes qu’étaient censés avoir données la douairière et le marguillier, il était infâme d’en vouloir pour cela à ces fusiliers jumeaux et mal bâtis et de leur infliger une raclée alors qu’ils ne songeaient qu’à prendre des rafraîchissements avec leurs coreligionnaires.

Quoi qu’il en soit, c’est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s’est laissé entraîner à prendre un râteau et qu’elle s’est crue obligée de frapper l’exigeant marguillier sur son omoplate vieillie. Deux alvéoles furent brisés, une dysenterie se déclara, suivie d’une phtisie.

– Par saint Martin, quelle hémorragie, s’écria ce bélître ! À cet événement, saisissant son goupillon, ridicule excédent de bagage, il la poursuivit dans l’église tout entière. »

Aujourd’hui, évolution oblige, on trouve sur Internet une transcription de la « dik-t » en langage SMS…Bonne chance !

«  Pour parlé 100 zambig8T, ce 10né @ St AdrS, pré du Avr, malgré lé zéfluv ambomé 2 la mR, malgré lé 20 2 tré bon cru, lé Qisso 2 vo é lé Qisso 2 chevreuy pro10gué par lanfitrion , fu t1 vré guépié.
   kL que swa, kLk exigu ké pu paretr, @ coT 2 la som du, lé zar kéT 100C avoir doné la douRyR é le marguiyé, il éT 1fam dan vouloir, pour cela, @ C fuzilyé jumo é malbati, é 2 leur infliG 1e raclé, alor kil ne sonG ka prandr D rafraichissman avec leur coreliJonR. Kwa kil an swa, C bien @ tor ke la douRyR, par 1 contre100s exorbitan, C léC antrNé @ prandr 1 rato é kL C cru obliG 2 fraP lexijan marguiyé sur son omoplate viéyi.
   2 zalVol fur brizé ; 1e 10zantri se Dclara s8vi d1e ftizi é l1BciliT du maleureu sacru.
   « Par St Ipolite, qL MoraJ ! » Ccria ce bélitr.
   @ 7 évNman, 16i100 son goupiyon, ri10Ql exCdan 2 bagaj, il la pours8 dan légliz tout antiR.

ProspR Mérimé »

 

A sa lecture, Prosper Mérimée serait certes fort étonné… !