Il y a bien longtemps que je ne vous ai pas livré de billet d’humeur concernant l’actualité de notre pays et les grands événements du monde. Non pas que j’évite de me tenir au courant des derniers développements ! … Seulement une sorte de perplexité face aux réactions des uns et des autres ! J’ai cette fâcheuse impression qu’une bonne part des relations nationales et internationales est basée sur une hypocrisie totale, au mépris des vrais désirs des peuples malmenés.
Vous l’aurez compris à demi-mot, je pense d’abord aux pays arabes. Il y a longtemps que je m’interrogeais sur cette immobilité des peuples arabes face d’une part à des dictateurs sans scrupules, sans foi ni loi, et d’autre part des pouvoirs religieux étouffants qui refusent à leurs « sujets » (puisque c’est bien comme cela qu’ils veulent les considèrer!) la moindre des libertés. Comment ces peuples ont-ils pu vivre si longtemps ainsi ? Leur révolte est légitime. Il arrive un jour où le trop devient vraiment insuppoprtable et que, coûte que coûte, le temps de l’action est arrivé. Chapeau à tous ces hommes et ces femmes qui, dans l’espoir de soulager leurs enfants, veulent affronter leurs anciens tyrans en espérant convaincre pacifiquement.
Manifestation à Bengazi.
Mais dans certains cas, les manifestations de paix ne sont pas possibles. Les combats qui se déroulent pour l’instant en Lybie témoignent de la violence et du mépris que ces dictateurs peuvent nourrir pour leur peuple. La violence meurtrière de Mouammar Kadhafi, que certains appellent encore Colonel, comme pour lui donner une légitimité militaire, me fait penser à ces fous furieux caricaturaux que combat le héros des services secrets britanniques, James Bond… Sauf que les mauvais là, ceux du cinéma, ils ne sont cautionnés par personne d’autre qu’eux-mêmes.
Ce n’est évidemment pas le cas de Kadhafi. Quand Barack Obama déclare qu’il a perdu toute légitimité, on est en droit de se demander vis-à-vis de qui ce terroriste sanguinaire avait pu en acquérir. On ne peut qu’être surpris, dégoûté même, au regard de la « carrière » de cet homme. Oui mais voilà, comme toujours dans ces cas-là, le libyen a des atouts de taille. Il est très riche, signe des contrats avec les puissances occidentales, détient du pétrole (dont on cherche aujourd’hui à minimiser l’importance mais qui, pourtant, alimente la spéculation et fait grimper le prix des matières premières), semble impressionner jusqu’aux plus grandes puissances du monde. Qui n’a pas traité avec lui ? Qui n’a pas profité de son argent d’une manière ou d’une autre ? Pouquoi l’a-t-on laissé revenir à l’avant-scène un terroriste notoire?
L’Occident donneur de leçon est mal placé pour dénoncer comme infréquentable celui qui, il n’y a pas si longtemps, plantait sa tente dans les Jardins de l’Hôtel Marigny, résidence officielle des hôtes de l’Etat, à Paris, était accueilli en héros à Rome et était courtisé par tous les grands de ce monde. Et pourtant cette fois, on le dénonce, on semble s’étonner que des ministres aient bénéficié à titre personnel ou non des largesses de ces gens « infréquentables » Enfin, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, l’ONU écarte solennellement la Libye du Conseil des pays qui respectent les droits de l’homme, comme si le régime de Tripoli les avait un jour respectés… Quelle hypocrisie !
Siège de l’ONU
Vous me rétorquerez qu’il s’agit là des règles de la diplomatie, de raisons d’état, des intérêts supérieurs des pays ou d’autres choses de ce genre. Admettons ! C’est vrai que, et n’est pas une mince affaire, ce qui risque de se profiler avec la disparition des ces tyrans, c’est un danger accru pour Israël qui, d’ailleurs, ne voit pas d’un bon œil ces soulèvements populaires. Tous ces tyrans, puisqu’ils n’étaient pas religieux, ne se mêlaient que peu d’Israël. Un compromis tacite semblait assurer un minimum de sécurité dans la région. Avec leur disparition, cet équilibre là risque, lui aussi, d’en prendre un sacré coup. Et même en dehors de la prise de pouvoir de partis islamistes (ce qu’on n’évoque pas encore aujourd’hui), qui dit que ce tampon entre Israël et leurs ennemis ne va pas éclater en mille morceaux, entraînant dans son sillage les risques d’une guerre à grande échelle (certains évoquent là les raisons d’une troisième guerre mondiale)?
Alors ceci expliquant cela, on comprend mieux l’embarras des autorités occidentales qui, démocratiques, ne peuvent que se réjouir de l’évolution du monde arabe, mais qui, en protecteurs d’Israël, redoutent également la bascule irréversible. C’est, en tous cas, une situation extrêmement compliquée ! Ajoutez à cela le fait que la notion de démocratie n’est pas la même dans le monde arabe que chez nous, l’autre fait qu’un monde arabe démocratique sera sans doute plus fort économiquement que l’Occident ne le désire, et, enfin, que les réfugiés très nombreux en provenance de ces pays, risquent de déstabiliser les politiques d’immigration des pays européens… vous aurez là une suite de questions sans réponse, une incertitude de plus pour une Europe et, au sens large, pour un monde qui semble vaciller et même basculer un peu plus de jour en jour. De quoi sera fait demain ? Nul ne le sait, qui vivra verra !
Alors dans une telle précarité des équilibres, on est en droit de s’exaspérer face à l’immobilité politique belge. Au début, on en riait, puis, on en a été gêné, honteux ensuite… et malgré cela, rien ne bouge. Mais le belge est un calme, il ne se révolte pas… Et pour cause! Rien ne semble changer pour lui. J’ai beaucoup sillonné la Belgique ces derniers jours pour donner des conférences en Flandre. Les exigences des hommes politiques exaspèrent autant les flamands que les wallons. Personne, de ceux que j’y ai rencontrés, ne parle de séparatisme. Chacun prône, en toute logique, un respect de tous, une diversité culturelle qui fait la richesse de la Belgique et un partage des idées. La démagogie de bas étage des politiciens de tous poils n’a qu’une efficacité relative chez les belges réfléchis (si, si, il y en a!).
Vous pourrez également me rétorquer que mes publics, sensibles à la culture et capables d’entendre une conférence en français, sont acquis d’avance et ne sont pas représentatifs des factions radicales qui mettent de l’huile sur le feu. À ceux-là, je répondrai tout simplement que ces organisateurs de conférences et ces publics, avec qui j’ai pu parler assez, sont fiers d’être flamands et le revendiquent. Ce n’est pas pour cela qu’ils réfutent l’idée de la Belgique et qu’ils prônent le séparatisme. Au contraire, ils sont conscients de cette richesse culturelle inespérée. Par contre, tous condamnent les attitudes politiques du Nord et du Sud du pays qu’ils considèrent comme des inconscientes qui font plus de mal à leur propre région qu’ils ne le croient. Les politiques se trompent de cible. Dans une époque où seule l’unité cordiale et tolérante peut nous sortir d’un tel marasme (n’est-il déjà pas trop tard ?), où le monde doit être vu dans le cadre de grandes synergies avec l’Europe et le monde, il est temps d’enlever ces œillères et de voir plus large.
Il est grand temps de nous unir pour le bien des peuples !… Beaucoup, en Belgique et dans le monde, ne l’ont malheureusement pas encore compris ou ne désirent pas le comprendre. Ils persistent dans un modèle économique et humain où seule la consommation, donc l’argent, a de l’importance. Le profit immédiat ! On évite la vue à long terme, on refuse de regarder l’état de la planète (ou plutôt, on se donne bonne conscience en organisant de grandes réunions internationales dont les décisions ne sont pas appliquées). On ne veut pas entendre le cri de détresse qu’elle semble pousser. Le climat, les ressources naturelles, les populations, tous hurlent leur douleur, tous demandent de l’aide, de la modération. Quand il sera trop tard, le monde nous engloutira nous et notre « civilisation ». À l’observation des grands discours et des grandes idées déployées par les grands de ce monde, on se demande bien à quelle sauce l’homme sera mangé… et les plus grandes richesses n’auront plus d’utilité! Pas l’ombre d’un petit changement de mentalité ! Et cela, ce n’est pas bon du tout!
Je partage largement votre commentaire et je voudrais y ajouter quelques réflexions.
Qui avait « vu venir » la révolte dans les pays arabes? Personne ou si peu de monde. Il en fut de même lors de la chute du mur de Berlin, lors du krach bancaire de 2008, etc…Tout cela pour dire que le destin des hommes n’est pas lié à une sorte de fatalité hautement prévisible. Lors du krach de 2008, il était amusant d’entendre des économistes « n’ayant rien vu venir » nous expliquer ce qui allait se passer. De même, dans notre « crise belge », il est pathétique de voir ces pauvres politologues tenter de nous expliquer ce qui va se passer ou même ce qui est en train de se passer…Il faut pourtant se rendre à l’évidence: les prévisions les plus fiables sont encore les prévisions météo! Les prévisions politiques, économiques et autres sondages négligent trop souvent la liberté des hommes et l’intervention de facteurs tiers.
Vivons notre vie, votons pour qui nous voulons, choisissons notre destin et ne laissons pas cela aux prévisionnistes ni aux déterministes de tous poils.
C’est la grande leçon que nous donnent actuellemement plusieurs pays arabes. Inutile d’essayer de prédire ce que cela va donner. Gardons en tête la leçon du jour: des peuples ont amené des dictateurs à « dégager » sans utiliser des méthodes violentes. Voilà de quoi amener nos vieilles démocraties à s’abstenir en effet de donner des leçons. Puissent-elles même s’y ressourcer…