Boite à outils

A chaque fois que j’étudie une nouvelle œuvre, je me fais cette réflexion au sujet de l’analyse musicale, de sa finalité et de son utilité.
 

Tout travail d’assimilation d’une partition passe par les mêmes stades. D’abord, il s’agit de placer le contexte de la pièce étudiée tant au niveau historique que biographique et esthétique. Vient ensuite l’analyse formelle, harmonique, thématique, travail purement technique permettant non seulement une vision d’ensemble de l’œuvre, mais aussi une connaissance détaillée de ses ingrédients.
 
analyse musicale, outils
C’est là que, souvent, je me dis que l’analyse n’est qu’un outil permettant la transmission des idées intellectuelles vers le domaine de l’émotion. Cette vision n’a pas toujours été admise par les écoles de musicologie et d’analyse musicale dans le passé et présente, encore aujourd’hui, certaines réserves incompréhensibles. Les techniciens de la musique se retranchent souvent derrière cette célèbre phrase de Stravinsky qui prétend que la musique est incapable d’exprimer quoi que ce soit par elle-même.
 

La sentence du grand compositeur russe a de quoi étonner quand on sait qu’une grande part de son œuvre est supposée illustrer un argument littéraire ou poétique extérieur à la musique…. Et tout compte fait, on n’a peut être pas compris son propos comme il le fallait. C’est vrai que la musique, assemblage de sons, n’exprime rien. Le phénomène sonore, qu’il soit mélodique, rythmique et harmonique n’est pas sémantique par essence. Ce n’est que par un système statistique et émotif que certains assemblages de sons prennent un sens symbolique. C’est donc un phénomène culturel. C’est sans doute l’une des raisons qui contribue à notre difficile perception des musiques extra-européennes.
 

Le langage articulé pose cependant les mêmes problèmes. Un son ou une syllabe ne prend de sens que par assemblage référentiel. Le mot et ses phonèmes sont deux choses différentes. Le mot « chien » ne correspond pas à l’image de l’animal qu’il évoque. C’est donc culturellement que l’assimilation du mot s’associe à l’animal. En résumé, si le son n’est qu’un phénomène physique, il se  charge de sens lorsqu’il s’associe régulièrement à un symbole, une émotion ou une image présente culturellement chez l’homme.
 

Il ne sert donc à rien d’analyser les groupes de sons et de rythmes qui peuplent une partition si, une fois le travail terminé, il ne conduit pas à une « interprétation ». Je me rappelle les cours d’analyse musicale se bornant à repérer les séries dodécaphoniques dans Lulu de Berg sans jamais faire référence à l’esthétique, au livret et à la rhétorique de l’œuvre. Navrant, décourageant et…inutile !
 

N’en déplaise aux détenteurs élitistes de la science musicale, l’analyse n’est qu’un moyen, une science auxiliaire, permettant de dépasser le stade de l’observation sèche et d’accéder à l’interprétation du propos d’un compositeur. L’enjeu d’une communication est la compréhension du message par le récepteur, pas son observation. Outil nécessaire, l’analyse musicale n’est pleinement réussie que lorsqu’elle est assimilée complètement, qu’elle favorise le ressenti et s’énonce sans jargon ni prétention..