Après avoir pris pas mal de retard dans l’examen de symphonies de Gustav Mahler, je me rends compte que je ne parviendrai pas à boucler le cycle avant la fin de l’année anniversaire. Mais peu importe. Nous écouterons Mahler bien au-delà de ses anniversaires et ses messages musicaux sont éternels et profondément humains. Je poursuivrai donc ce voyage à mon rythme, en prenant bien le temps de vous laisser digérer ces oeuvres immenses et en me donnant le temps de peser les mots qui me serviront à en illustrer ma perception.
L’été de 1904 a été le plus harmonieux de ceux que Gustav Mahler a passés en Carinthie. Comment donc expliquer que ce soit au cours de celui-ci qu’il composa la plus tragique de toutes ses symphonies ? Contemporaine des non moins tragiques « Kindertotenlieder », qui restent les pièces les plus tristes de toute la littérature musicale germanique, la sixième symphonie, volet central du triptyque des œuvres non vocales, est souvent apparue aux musicologues et analystes comme un retour à la forme classique. L’adoption d’une forme en quatre mouvements qui s’enchaînent selon le parcours habituel de la sonate a contribué à cette idée. Il n’en est rien pourtant et sans doute la sixième reste-t-elle l’une des œuvres les plus modernes du compositeur viennois.
C’est en tous cas la plus sombre de toutes. Son surnom de « tragique » n’est aucunement usurpé. L’œuvre ne laisse pas le moindre espoir, le destin est accablant au point que les plus audacieux y ont vu une prémonition des fameux trois coups du destin que Mahler allait subir bientôt avec la mort de sa fille, son renvoi de l’Opéra de Vienne et la découverte de sa maladie incurable du cœur…
La Sixième Symphonie de Gustav Mahler comporte quatre mouvements:
1. Allegro energico, ma non troppo. Heftig, aber markig .
2. Scherzo : Wuchtig.
3. Andante moderato.
4. Finale: Sostenuto; Allegro moderato; Schwer; Marcato; Allegro energico.
Animé par un rythme pesant et inéluctable, véritable moteur tragique de l’œuvre, le premier mouvement déploie trois thèmes très différenciés.
Ce « motto », rythme fatidique, ainsi que l’harmonie majeure qui se transforme en mineure (de la lumière aux ténèbres…) soutient le premier qui dans son orchestration gigantesque déploie la trame de la tragédie.
Suit une mélodie plus lyrique, véritable chant d’amour que Mahler associait à sa femme Alma : « J’ai essayé de te représenter dans un thème. Je ne sais pas si j’ai réussi, mail il faudra bien que tu t’en contentes ! ».
Le troisième est plus étrange. Animé par les fameuses cloches de vaches, il s’emble s’élever vers les sommets alpestres et, en même temps se dématérialiser. Il distille une sorte de paix irréelle.
Tous ces thèmes entrent ensuite en conflit dans des modulations très audacieuses, des orchestrations sombres et des dissonances très âpres qui ne laissent percer aucune lumière. Après un retour tout aussi tragique des thèmes, au sein d’une ré-exposition, le mouvement s’achève sèchement par un pizzicato qui s’abat comme la lame d’une guillotine.
À suivre…