Placez-vous au centre de la Place Saint Lambert à l’heure de pointe. Fermez les yeux et écoutez…! Ce que nous appelons la pollution sonore devient, par le simple fait que nous fermons les yeux, l’élément essentiel de nos perceptions. Cessons ensuite de considérer nos perceptions comme négatives et tâchons de comprendre ce que nous entendons.
D’abord, le vacarme des véhicules motorisés semble cacher tout autre manifestation. Pourtant en tendant l’oreille, nous distinguons d’autres sons. Ce sont des rumeurs de paroles, de cris, de sirènes d’ambulances et de coups de sifflet d’agent de la circulation. En cherchant encore plus loin et en ayant de la chance, vous distinguerez des sons plus lointains encore comme un carillon, une fréquence radio,…un chant d’oiseau? Cela peut arriver.
Prenons conscience, les yeux toujours clos, que cette multitude sonore est le fait de l’activité de la ville, de la vie à laquelle nous prenons part tous les jours. Cette ville semblerait bien vide si elle était complètement silencieuse car même si nous sommes agressés par certaines fréquences et volumes sonores, nous avons la chance de les entendre. Je ne m’étonne pas que les compositeurs cherchent à imiter la nature dans leur musique. N’est-ce pas l’une des raisons de l’art?
L’envie d’utiliser le bruit dans la musique ne date pas d’hier. Déjà la symphonie des jouets utilisait des sons extra-musicaux. Que dire des forges des Nibelungen de Wagner, du klaxon d’Un américain à Paris, et des diverses interventions "bruiteuses" de Parade de Satie?
Si vous prenez le parti d’écouter "Amériques" de Varèse comme un grand tableau sonore de la vie des grandes villes, vous finirez par y découvrir les rumeurs de toutes sortes que j’évoquais plus haut. Ce sont celles de la vie moderne. Celles que nous vivons tous les jours sans nous en rendre compte. N’est-ce pas là une raison suffisante pour y prêter attention?